Associer des sneakers à Napoléon, Louis XIV ou aux montres molles de Dalí ? C’est tout le pari de mon travail artistique. Je fusionne l’univers du streetwear avec celui de l’art classique pour créer un dialogue inattendu entre passé et présent, entre style et symboles. Ce choc visuel anachronique devient un outil de réflexion, mais aussi un moyen d’ouvrir l’art à de nouveaux publics.
Une rencontre entre culture urbaine et art historique
Passionné de sneakers et d’histoire de l’art, j’ai commencé à détourner des œuvres célèbres en y intégrant des éléments issus de la culture urbaine. Mes prints, tous signés et numérotés, sont des jeux visuels qui posent une question simple : que se passerait-il si les figures du passé portaient aujourd’hui des baskets ?
À travers ces détournements, je veux à la fois rendre hommage aux grands maîtres et interroger notre époque : qui détient l’influence aujourd’hui ? Comment l’exprime-t-on ?
Napoléon en Jordan 1 : l’empereur des temps modernes
Dans « Napoléon franchissant le Grand-Saint-Bernard », David immortalise l’Empereur comme un héros antique. Cape au vent, cheval cabré, main tendue vers l’avenir : c’est une image de conquête, presque mythologique. Une construction visuelle du pouvoir, pensée pour inspirer l’admiration.
Dans ma version, Napoléon porte des Jordan 1. Ce modèle est mythique, tout comme lui. Et surtout, c’est une sneaker Nike : une marque qui règne aujourd’hui sur la culture urbaine mondiale comme Napoléon régnait sur l’Europe. Le parallèle m’a semblé évident.
Ce geste artistique casse l’image figée du pouvoir. Il brouille les codes anciens et contemporains. Et il pose une vraie question : comment impressionne-t-on aujourd’hui ? Par la posture ? L’uniforme ? Ou par une paire de sneakers iconiques ?
Les Jordan deviennent ici des attributs de puissance moderne, au même titre que les sabres ou les sceptres d’autrefois.
Louis XIV en Jordan 4 Lightning : le pouvoir par l’apparence
Louis XIV, le « Roi Soleil », maîtrise l’art de l’image. Dans son portrait officiel, il est campé fièrement, drapé d’hermine, le regard dur, les jambes gainées de soie. Tout ici est fait pour frapper les esprits. Chaque détail est pensé pour rappeler sa puissance absolue.
À l’époque, les chaussures ne sont pas qu’un accessoire : ce sont des marqueurs sociaux. Plus le talon est haut, plus il indique le rang. Louis XIV va jusqu’à réserver les talons rouges à la noblesse, par décret. L’apparence est une stratégie politique.
Dans mon détournement, il porte des Jordan 4 « Lightning » jaunes. Parce que c’est le Roi Soleil, évidemment. Cette paire incarne son éclat, sa mise en scène, son goût du spectaculaire. Et comme les chaussures de cour de l’époque, les Jordan 4 ne sont pas réputées pour leur confort : tout est dans l’esthétique, pas dans la fonction. Une parfaite métaphore de la monarchie absolue… et du style dans la culture sneaker.
Dalí et la sneaker qui défie le temps
Chez Salvador Dalí, le temps fond, les horloges se liquéfient, les repères se brouillent. C’est l’univers du rêve, de l’inconscient, du surréalisme pur. J’ai voulu prolonger cette idée dans une œuvre où les montres molles se mêlent à une Jordan 1.
Pourquoi cette paire ? Parce qu’elle est intemporelle. Elle traverse les décennies, s’adapte aux modes sans jamais disparaître. C’est presque un paradoxe visuel : là où les horloges se dissolvent, la Jordan 1 reste solide. Elle devient un symbole de résistance au temps qui passe, comme si la sneaker tenait tête au surréalisme lui-même.
L’anachronisme comme langage visuel
Ces détournements sont plus que des clins d’œil esthétiques. Ils posent de vraies questions sur la représentation du pouvoir, du style et du temps. En insérant des sneakers dans des tableaux classiques, je crée des passerelles entre les époques, mais aussi entre les publics.
L’art devient un terrain de jeu, mais aussi un miroir : il reflète les valeurs de son temps.
Avec mes prints, je propose une autre lecture de notre époque – où l’influence ne passe plus par la couronne ou l’épée, mais par le style, la rue, et une paire bien choisie.